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Moi d’abord !!! (Et la vaccination ensuite...)

jeudi 15 juillet 2021, par grand-Pierre

Finalement le confinement nous a fait ressentir les limites de nos individualismes respectifs.
Vive la sociale !

Sujets de sa majesté le roi

Aux grandes périodes historiques du passé, les populations européennes étaient soumises aux caprices des princes, souvent jetées dans les horreurs de la guerre ou affamées par l’impôt.

L’individu en tant que tel n’avait pas d’existence ; après dieu et le roi il n’y avait que des sujets. Des sujets qui n’avaient pas voix au chapitre à l’exception de quelques notabilités, écrivains ou intellectuels, ingénieurs et bâtisseurs, marins explorateurs et autres philosophes ou financiers qui avaient acquis le droit d’exister pour eux-mêmes.

Ce système a fonctionné jusqu’à ce que la tête de Louis XVI tombe dans le panier. Et a véritablement prit fin [1] à partir de la troisième république après le règne de l’empereur Napoléon III.

Nous sommes alors passé du statut de sujet à celui de citoyen. Mais nous étions encore bien loin du règne de la liberté individuelle ! Il a encore fallu passer l’occupation sans république sous le régime abominable de Vichy pour accéder enfin à la liberté en 1945. [2]

Après guerre "La réclame"

Quel rapport avec l’individualisme ? Nous l’allons voir...

Après guerre les citoyens durent se retrousser les manches pour rebâtir le pays. Des villes entières étaient ravagées, les réseaux dévastés et de nombreuses usines au point mort.

Au Havre, ville terriblement bombardée, trois-mille baraquements provisoires furent installés pour abriter une partie des sinistrés. Le professeur, le médecin et l’ouvrier s’y trouvaient vivre ensemble en dehors de tout cloisonnement social et, d’après certains témoignages, tous conservèrent un excellent souvenir de cette période. Sous la contrainte des circonstances, ils avaient vécu un grand moment de solidarité et le projet commun les avait animés de reconstruire leur cité.

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Réclame de Savignac

Petit à petit la France se rétablit et pansa ses blessures. Les besoins de base en nourriture et en logement furent satisfaits et les immeubles collectifs fleurirent. Mais un ventre plein et un logement décent ne font pas un consommateur pour autant et l’industrie et le commerce durent lancer des campagnes de "réclame" [3] pour écouler leurs marchandises, marchandises qui ne correspondaient plus à des besoins essentiels et que la réclame permit de rendre très vite indispensables : Réfrigérateurs et lave-linge, automobile etc.

Puis ce fût l’accès pour certains à la propriété individuelle et son corollaire le crédit bancaire qui investirent le marché.

Par la suite, la réclame devint la publicité, puis enfin la pub et de nos jours des porte-conteneurs géants venus d’Asie inondent à flux tendu nos commerces de tous les produits possibles et imaginables dont une bonne partie ne sert pas à grand-chose à vrai dire et finissent souvent leur existence dans les décharges.

Consumérisme et individualisme

La mutation organisée par les influenceurs publicitaires de l’individu lambda en consommateur ; de la satisfaction du désir individuel par la consommation n’a plus de limites. Depuis le fameux "costume Mao", sorte de cote de travail de couleur bleue répliqué à des millions d’exemplaires que portaient tous les chinois jadis et les milliers de modèles différents de baskettes produites aujourd’hui à travers le monde, on comprend pourquoi l’individualisme et la singularité de chaque individu sont exploités à outrance pour un bénéfice commercial sans précédent.

L’individu, ce nouveau monarque des sociétés occidentales, est invité par les marques à choisir ses produits parmi les nombreuses déclinaisons de gammes proposées. On le cajole, on le soigne et la pub l’affectionne particulièrement. Regardez celles produites pour l’automobile : Il y en a vraiment pour tous les goûts et les options sont infinies pour chaque modèle à "customiser" [4]. L’individu a enfin accédé au statut de consommateur-roi. Du moins s’il dispose du crédit suffisant !

Une dérive numérique ?

La révolution numérique, à défaut de révolution tout court, a libéré la consommation et tout est consultable sur le Net. Réserver son voyage au bout du monde en deux clics n’est plus un problème. Ecrans 4K, portables, smartphones et tous les gadgets numériques possibles sont à notre disposition de jour comme de nuit.

Pour la jeunesse, par ailleurs particulièrement ciblée par la pub, comme la pierre tendre l’est par le ciseau du sculpteur, les réseaux sociaux offrent un espace échappant au contrôle de l’autorité parentale ou professorale, qui détient ses propres vérités [5] et affranchit les jeunes de leurs garde-fou traditionnels. C’est un espace propice à faire émerger une "personnalité" virtuelle de l’individu qui manque souvent de références sociales, voir éthiques ou morales. (Lire la pièce-jointe sur ce sujet).

L’écran que nous regardions collectivement dans une salle de cinéma est à présent entré chez nous, ainsi qu’à l’entreprise et malgré tous les avantages bien réels qu’il procure, nous isole toujours un peu plus de la réalité ambiante. Pour attirer les alouettes on aurait pas fait mieux !

Le télétravail institué avec la pandémie existait en réalité depuis que les employés sont rivés à leurs écran, que ce soit au bureau ou chez eux !

Bien entendu le domaine numérique héberge également des communautés qui œuvrent collectivement et mettent leurs données à disposition des internautes librement ; l’accès à des données essentielles ; des blogueurs qui transmettent leurs savoirs en véritables philanthropes etc. L’inventaire des bénéfices apportés par la toile n’est plus à faire. Cependant, et ce pourrait-être un sujet du bac : à savoir si le numérique rapproche ou au contraire isole les gens ?

L’individu : Un leurre ?

L’individu doit jouir de la liberté et de tous les droits que lui accorde la république. C’est un fait. Mais l’individualisme ne peut-être une fin en soi car il est antinomique avec l’organisation sociale s’il est déconnecté d’une conscience collective.

Par contre il peut être un leurre destiné à convaincre les individus qu’ils sont uniques et en droit de réclamer tous les services et les marchandises qu’ils désirent, ceci afin de les inciter à consommer d’avantage. Leurs désirs, leurs tendances et leurs faiblesses sont exploitées à cette fin. On ne doit plus suivre bêtement la mode mais choisir selon ses goûts et ses fantasmes individuels. Paradigme instrumentalisé par le fameux slogan lancé en 1973 par Loréal (mannequin Joanne Dusseau) : "Parce que je le vaux" !

Cette fameuse "liberté individuelle" dont le libéralisme nous rebat les oreilles [6] n’est en fait accordée qu’au seul consommateur. [7] Aucun avantage social n’a jamais été acquis par le fait d’individus isolés. Un minimum de conscience citoyenne et solidaire est donc nécessaire pour maintenir une démocratie en bon état !

La réclame affirmait jadis que : La pile Wonder ne s’use que si l’on s’en sert, disons plutôt aujourd’hui que la démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !

L’exemple pandémique

Lorsqu’une urgence sanitaire se produit, et que les chercheurs mettent au point des vaccins contre la pandémie, il serait raisonnable de penser que tout le monde devrait être vacciné pour la sécurité de tous. Mais en France, l’individu conserve le droit de le faire ou pas. N’est-ce pas l’un des meilleurs exemples que l’on puisse trouver de la liberté individuelle pratiquée au détriment de la solidarité collective ? Serait-ce une attitude collectiviste que de penser différemment ?

On comprend très bien que la liberté des choix individuels soit respectable et nécessaire dans une démocratie et j’adhère à 100% à ce principe. Mais on doit également savoir que cette liberté peut comporter des limites. Si, au nom de ce principe de liberté individuelle vous décidez un jour de rouler à gauche sur l’autoroute, vous risquez de vous heurter à une démarche collective codifiée qui se trouve être (malheureusement pour vous) celle de rouler à droite ! Si de même votre libre arbitre risque de compromettre la santé des autres, l’état (et lui seul) a autorité pour vous contraindre par la loi à adopter une attitude citoyenne différente. Il est alors, quelle que soit sa couleur politique et en temps que représentant élu de la population, parfaitement dans son rôle de protecteur et de gestionnaire du pays en essayant d’éviter un re confinement catastrophique après la quatrième vague de contamination qui s’annonce.

Quantité de vaccins sont d’ores et déjà obligatoires [8] et en bonne logique, il est parfois difficile d’entendre et surtout de comprendre les arguments des antivax et des anti-passe sanitaire !

Sans doute font-ils preuve d’un individualisme mal compris ne tenant pas compte des limites imposées par la solidarité sanitaire.

Le citoyen social est-il mort ?

La seule réponse au maëlstrom du consumérisme et de l’individualisme réside dans la construction des solidarités et à la renaissance du citoyen social [9] afin d’échapper à la morosité ambiante, voire au désespoir de l’individu isolé artificiellement de ses concitoyens. Cela permettrait également d’échapper aux grandes colères issues des frustrations que certains sont trop heureux de récupérer à leur profit et qui menacent l’avenir même de nos sociétés.

Fort heureusement, le citoyen social existe encore, mais il devra recruter sa relève parmi les générations nouvelles qui, elles, ont été élevées à l’école du consumérisme. Et là, il y a du boulot !

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Article du Parisien sur l’individualisme chez les jeunes

[1Après deux autres révolutions (1830/1848) et la Commune de Paris (1870)

[2Les femmes acquirent le droit de vote en France cette année là.

[3Ainsi appelées à cette époque.

[4"Personnaliser" l’anglicisme s’impose en matière de communication !

[5Et aussi hélas beaucoup de contre-vérités et de fausses nouvelles

[6Certains ont défini le libéralisme ainsi : "Un renard libre dans un poulailler libre".

[7Nous ne parlons pas ici de la liberté d’entreprendre, ce credo du capitalisme.

[8Le bilan risque/bénéfice détermine les choix vaccinaux des organismes responsables de la santé.

[9Sinon socialiste