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Refus d’obtempérer

25000 en 2021 en France

lundi 3 juillet 2023, par grand-Pierre

Quelques réflexions sur la révolte des jeunes des "quartiers".

Prison et quartiers

Les prisons sont généralement agencées en différents quartiers. Y a-t-il là un parallèle involontaire avec le vocable utilisé pour désigner certaines « zones sensibles » des périphéries urbaines ? (Sans aller jusqu’à évoquer les « zones de non-droit » qui seraient abandonnées aux dealers par la police et sont régulièrement stigmatisées par la presse réactionnaire lorsqu’elle évoque les problèmes de délinquance).

Il est exact que la revente de stupéfiants dispose maintenant en banlieue et ailleurs de réseaux intégrés à une certaine population et le nombre de consommateurs addicts à augmenté ce qui alimente la trésorerie et le pouvoir corrupteur des trafiquants.

Mais fort heureusement les banlieues ne sont pas uniquement des places de deal et leurs habitants ne sont pas exclusivement des petits délinquants !

A Nanterre, où les quartiers sensibles ne manquent pas, le décès de Nahel fait suite aux treize décès enregistrés sur le territoire national en 2022 à l’occasion de refus d’obtempérer ayant entrainé le tir des policiers lors de contrôles routiers. Des voix s’élèvent dans les rangs de la gauche pour supprimer la « loi Cazeneuve » de février 2017 qu’elle dénonce comme étant pourvoyeuse de bavures.

Ce texte est passablement « interprétable », assez en tout cas pour rendre plus floue la définition de la légitime défense, surtout pour des policiers agressifs ou insuffisamment formés. [1]

Il stipule, entre autre : « Les policiers sont autorisés à ouvrir le feu lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. »

Ils ne votent pas !

Il est notoire que la jeunesse vote peu, voir pas du tout dans certains « quartiers ». Phénomène abstentionniste qui se retrouve aussi hélas concernant la masse des électeurs inscrits.

Cela pourrait-il expliquer en partie le manque d’empressement des pouvoirs publics à se préoccuper des banlieues ? Les élus locaux, eux-mêmes agressés dans de nombreux cas par les jeunes émeutiers, ne sont pas les derniers à s’en plaindre. [2]

Ce dossier des banlieues pèse si lourd, après des décennies sans véritables solutions, qu’il est devenu difficile de le porter sur la table... Il ne s’agit pas uniquement de la salubrité des logements mais d’un ensemble de services qui bat de l’aile faute de moyens adaptés. A tel point qu’il faudrait en faire beaucoup plus pour les périphéries urbaines qu’en d’autres points moins défavorisés du territoire. La ghettoïsation y est entretenue en permanence car les familles allant s’installer ailleurs sont remplacées par des familles migrantes et des mal logés.

Emploi, justice, santé, éducation, formation, sécurité, accès, vie sociale, (on pourrait continuer l’énumération) sont à peu près partout en déficit dans nos banlieues pauvres malgré une politique de la ville initiée par la gauche qui n’a pas été reconduite. (Source : François Hollande). Il est assez évident, dans de telles conditions, que les tentatives de la police de maintenir l’ordre républicain sont loin de répondre aux problèmes multiples de la population, ceci d’autant plus que la délinquance est en progression. Et bien sûr encore moins si un jeune, fût il un délinquant routier récidiviste, est froidement abattu par un flic.

Refus d’obtempérer

Si la mort d’un ado nous endeuille tous, que nous ayons ou pas des enfants, avec ce drame la question est posée du respect de la loi. Un refus d’obtempérer n’est pas un délit anodin. Il peut être sanctionné de 75 000 € d’amende et de 3 années de prison. Généralement suivi par un délit de fuite, il impose aux policiers une dangereuse poursuite et la mise en place de moyens de chasse coordonnés.

Or pour que la voie publique soit sécurisée, force doit rester à la loi. C’est tout le problème car il y a eu pas moins de 25 000 RO en 2021 et plus de 150 tirs de policiers ou gendarmes ! Laisser faire ne serait pas le meilleur moyen de réduire les risques et les incivilités. La tâche de la police n’est donc pas si simple face à l’insoumission répétée de certains, voir aux provocations qu’elle subit de leur part. Les réseaux mafieux de deal ont tout intérêt pour leur trafic à ce que la police et ses injonctions ne soient plus respectées.

Dé-civilisation, Sauvageons, Karcher

Un sauvageon pour le dictionnaire est un jeune arbre non greffé. C’est ce déficit de la « greffe républicaine » qui est justement en cause pour ces jeunes révoltés.

L’image négative accolée aux jeunes des banlieues défavorisées par nos dirigeants et le retrait par Nicolas Sarkozy (adepte du nettoyage au Karcher des quartiers), de dix mille policiers de ces zones [3] a fait au moins autant pour dégrader les choses en stigmatisant cette jeunesse et en leur abandonnant le terrain que les tirs létaux des policiers. Ceux-ci se retrouvent souvent en milieu hostile face à une délinquance et une violence inégalée et ne savent donner aux problèmes que des réponses... de policiers ; et donc forcément, un jour ou l’autre, exposer les jeunes à la bavure fatale comme ce fut le cas à Nanterre.

Une police raciste ?

Une personne de couleur vêtue d’un complet veston aura probablement moins de chances de se faire contrôler que la même personne tatouée et en baskets. Aux Etats-Unis le nombre de tués par fait policier est également réparti entre noirs et blancs. Mais ces morts ont un point commun : Ils sont tous issus de quartiers pauvres...

Bien sûr, on n’ignore pas que certains syndicats de police sont plus proches idéologiquement de Marine Lepen que de Jean-Luc Mélenchon ! Est-ce que cette idéologie a pénétré en profondeur dans les rangs des serviteurs de l’ordre républicain ? Cela pourrait devenir une réelle préoccupation et interpeler le ministre de l’intérieur afin qu’il réforme un corps engagé dans une dérive droitière radicale.

Mais est-ce bien le cas ? Rien ne le prouve véritablement. Sans chercher à dédouaner la police, je constate que plus il existe de radicalité violente, plus les policiers deviennent agressifs. (Et vice versa). Le maintien de l’ordre dans les quartiers défavorisés n’étant pas forcément une sinécure. Si la police est confrontée quotidiennement à une réalité sociale dégradée, ce n’est pourtant pas son rôle d’y remédier.

Alors lorsque la rue est envahie par des bandes d’incendiaires, de casseurs et de voleurs, lorsque les forces de l’ordre sont férocement attaquées par des émeutiers déchaînés, l’opinion s’inquiète, le bourgeois tremble dans ses beaux quartiers et l’Elysée met quarante cinq mille policiers et gendarmes dans les rues. (Plus de sept cent blessés parmi les forces de l’ordre ces derniers jours). [4]

La fracture ne fait que s’aggraver entre les classes sociales depuis la pandémie et si un incendie, que l’on pourrait maîtriser facilement dès le début en l’attaquant avec des moyens adaptés n’est pas traité, il devient impossible à éteindre quelques temps plus tard. Nous y sommes avec les banlieues délaissées de longue date. Merci Nicolas Sarkozy.

Nous y sommes également avec l’inflation qui pénalise les pauvres tandis que l’économie financiarisée spéculative enrichit encore plus les actionnaires.

Les différentes étapes d’un collapsus

D’éminents chercheurs ont décrit les évènements qui s’enchaînent lorsque une société s’effondre, dans le cas par exemple d’une catastrophe. Plus de communications, plus d’électricité, de services de police etc. Or l’une des premières réactions d’une foule non contrôlée est le pillage. Libérés des contraintes sociétales et policières, ce ne sont certainement pas les meilleurs des citoyens qui occupent alors la rue et dévalisent les commerces. Ces jeunes émeutiers d’aujourd’hui n’ont donc rien inventé de nouveau.

Face à ces gamins hors de contrôle acoquinés à des délinquants récidivistes la république semble incapable de reprendre la main, surprise par la violence extrême de cette jeunesse qui réseaute, smartphone en main, pour diffuser sa révolte, qui s’auto-justifie de piétiner les valeurs morales et républicaines et se glorifie de semer l’anarchie un peu partout.

Ces mômes, qui se sentiraient mal aimés, ont-ils trouvé la bonne recette pour retrouver l’affection qui leur fait défaut ? Il est permis d’en douter. Désireux de mettre en scène leur mal-être avec une totale inconscience du « retour de bâton » que ces émeutes pourraient produire dans l’arène politique, ils ne feront certainement pas émerger un mieux-être social pour eux-mêmes quoi qu’en pensent ceux pour qui seule cette violence aveugle pourrait être entendue. Ce sera plutôt la spirale délinquance/répression accrue qui, sans surprise, reprendra la main sur le dialogue.

Faut-il pour cause de jeunesse immature absoudre les auteurs de vols et d’incendies ? Ceux qui s’en prennent aux mairies, aux services sociaux, aux commerces, aux véhicules, aux bus, peuvent ils espérer bénéficier de circonstances atténuantes ? Il faudrait pour cela pouvoir faire preuve d’une grande tolérance en paraphrasant Jésus sur sa croix : « Mon père pardonnez leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Mais la tolérance a ses limites et les policiers et les juges n’auront pas tous pour ces vandales la mansuétude bienveillante du Christ ! [5]

Cette jeunesse est-elle pour autant définitivement perdue pour la nation ? Cette énergie et cette violence auraient elles pu être canalisées et apaisées pour devenir source de confiance et créatrices de richesses. Oui certes, mais ce serait alors dans une toute autre histoire.

Malheureusement un Darmanin, un Dupont Moretti, un Macron, une Elisabeth Borne ne délivrent aucun message de nature à apaiser les tensions, se contentant d’attendre que le brasier s’éteigne comme pour la réforme des retraites en déployant un arsenal sécuritaire. Eric Ciotti, le président des LR, propose lui de couper les aides des familles de délinquants tandis que dans l’ombre, sans rien faire d’autre que demander l’instauration de l’état d’urgence, l’extrême droite attend patiemment son heure...

Les banlieues n’ont donc pas encore fini de s’embraser.


[1En l’état, il pourrait s’appliquer au tir contre Nahel dont le véhicule, dans sa fuite, aurait pu blesser ou tuer des piétons...

[2Faudrait il en venir un jour à imposer le vote obligatoire en France ? Cela serait il accepté par les électeurs et surtout par les politiciens ? Ces derniers pouvant redouter à juste titre une sévère sanction électorale !

[3Nicolas Sarkozy s’adressant aux policiers de proximité : « Votre rôle de policier n’est pas d’organiser des matchs de foot mais de faire la police »

[4Le montant global de la facture, déploiement des forces de l’ordre, frais hospitaliers et assurances compris, aurait été mieux investi dans les quartiers ! Coût des matériels et immeubles dégradés = Entre 600 et 650 M/€ - voir beaucoup plus si l’on intègre à cette somme : Le coût du déploiement de 45 000 policiers et gendarmes pendant plusieurs jours - Le coût des soins hospitaliers - Le coût des heures de travail perdues - Le coup des augmentations des primes d’assurances annoncées et le coût du manque à gagner des entreprises

[5Il faudra que je n’oublie pas de demander au Saint Siège l’autorisation pour un mécréant notoire comme moi de publier une citation du Christ !